John Scalzi, auteur de romans plus que prolifique (d’après la couverture du livre, il a signé un contrat sur 10 ans avec une maison d’édition qui l’engage sur 13 romans…), réalise avec « Les enfermés » un superbe roman hybride.
C’est du Thriller ça, non? Il y a du sang, une victime, un canapé poussé par la fenêtre de la chambre d’un hôtel. Il y a Chris Shane, fils d’un riche magnat de l’immobilier, toute nouvelle recrue du FBI qui mène ici sa première enquête. Il y a Leslie Vann, partenaire de Chris Shane au FBI, qui boit, qui fume… Il y a donc un corps, un mystère, un enquêteur endommagé…
Mais il y a aussi un monde imaginé par l’auteur, qui colore son roman d’une teinte purement SF. Chris Shane est un « Haden ». Pour faire simple, les Hadens sont atteints d’un virus (une forme particulière de grippe) qui les prive de l’usage de leur corps. Chris Shane utilise donc un androïde qui abrite son esprit, pour évoluer dans le monde qui l’entoure. Sa partenaire Leslie Vann est une ancienne « intégratrice », son cerveau a été modifié suffisamment pour être en mesure de créer un réseau neuronal avec un Haden, afin que celui-ci puisse utiliser son corps plutôt qu’un androïde. La construction de ce monde futuriste est franchement réussie: tout paraît plausible. Je me suis très rapidement familiarisé avec ce contexte, l’auteur jouant avec notre imaginaire sans jamais tomber dans le grotesque.
Autre point fort du roman, la critique sociale sous-jacente. Il est question du traitement du handicap, de troubles civils, d’oppression des minorités et du danger que représente certaines grandes entreprises avides de pouvoir et de gain.
Mais finalement, ce qui m’a le plus impressionné, c’est la création d’une véritable culture néo-technologique. Au lieu d’envisager un destin post-apocalyptique avec cette méchante grippe, Scalzi imagine une nouvelle société qui intègre les Hadens. Les Hadens ont créé un monde virtuel appelé « l’Agora » où ils peuvent interagir les uns avec les autres, à tel point que certains Hadens, qui ont contracté le virus étant nourrisson, sont plus à l’aise dans ce monde virtuel que dans la réalité.
Ce roman m’a franchement enthousiasmé pour les deux facettes qu’il présente: tantôt SF, tantôt Thriller. Un vrai divertissement donc.
Les enfermés, John Scalzi – Editions L’Atalante
Un nouveau virus extrêmement contagieux s’est abattu sur la Terre. Quatre cents millions de morts. Si la plupart des malades, cependant, n’y ont réagi que par des symptômes grippaux dont ils se sont vite remis, un pour cent des victimes ont subi ce qu’il est convenu d’appeler le « syndrome d’Haden » : parfaitement conscients, ils ont perdu tout contrôle de leur organisme ; sans contact avec le monde, prisonniers de leur chair, ils sont devenus des « enfermés ».
Vingt-cinq ans plus tard, dans une société reformatée par cette crise décisive, ces enfermés, les « hadens », disposent désormais d’implants cérébraux qui leur permettent de communiquer. Ils peuvent aussi emprunter des androïdes qui accueillent leur conscience, les « cispés », voire se faire temporairement héberger par certains rescapés de la maladie qu’on nomme « intégrateurs »…
Haden de son état, Chris Shane est aussi depuis peu agent du FBI. À sa première enquête, sous la houlette de sa coéquipière Leslie Vann, c’est justement sur un intégrateur que se portent les soupçons. S’il était piloté par un haden, retrouver le coupable ne sera pas coton.
Et c’est peu dire : derrière une banale affaire de meurtre se profilent des enjeux colossaux, tant financiers que politiques.